Durant l’époque Momoyama (1573-1603), le grand seigneur Toyotomi Hideyoshi (1537-1598) et son maître de thé, le plus important du Japon, Sen No Rikyu (1522-1591), simplifient les codes de la cérémonie du thé. Les réunions de thé alors réservées aux classes dirigeantes deviennent un moyen pour Toyotomi Hideyoshi de rassembler toutes les classes sociales. Un nouvel engouement nait pour le thé et la céramique dont celle de Bizen. Les maîtres de thé privilégient les poteries aux formes sobres, à la matière rugueuse, aux effets naturels de cuisson confirmant ainsi le goût pour l’esthétique Wabi.
La ville de Bizen, située dans la préfecture d’Okayama, est l’un des six centres historiques de production de la céramique au Japon. Les fours de Bizen auraient cuit leurs premières céramiques il y a plus de 1000 ans. Ces poteries sont faites à partir de la terre de la région, riche en fer rouge. Pour obtenir cette céramique à la texture et aux motifs si caractéristiques, le potier respecte différentes étapes.
D’argile et de feu
L’argile modelée, on la laisse sécher à l’ombre avant d’être enfournée. L’atelier Daikura produit aujourd’hui les céramiques selon la tradition et précise que l’étape de l’enfournement peut durer 1 semaine. C’est un moment délicat puisqu’environ 1000 pièces sont disposées dans le four. Le potier utilise du bois de pin et porte le feu à environ 1250°c. La cuisson dure 2 semaines. Ensuite il faut attendre 10 jours pour que la température redescende et sortir les poteries. Pour finir elles sont polies au papier sablé et lavées à l’eau.
Les céramiques n’ont pas de glaçure (Yakishime) et les motifs variés sont dûs aux flammes, à la cendre et la disposition des 1000 autres poteries dans le four.
L’effet Goma, sésame en japonais, provient des projections de cendre de bois de pin. Il se caractérise par des points jaunes ou brun clair, quand apparaissent des effets de coulures on les nomme « Tamadare ».
La couleur bleu gris Sangiri se révèle quand les pièces sont partiellement enfouies dans les cendres ; l’air et les flammes ne sont pas en contact avec la poterie.
Pour obtenir l’effet Hidasuki, on enveloppe l’objet de cordes de paille de riz. Celles-ci en brûlant vont créer des lignes rouges et un effet graphique.
Plus rare, l’effet AoBizen ou Bizen bleu n’est possible que lorsque les poteries cuisent dans une atmosphère pauvre en oxygène. Un nuage de gaz se produit autour de pièce dans le four.
Quand les poteries sont empilées les unes sur les autres les zones alors couvertes vont se colorer de différentes façons. Cela produit un effet qu’on appelle Fuseyaki.
L’effet dérivé du Fuseyaki, le Batomachi permet de produire une forme, un « dessin » sur une poterie en plaçant des morceaux de céramique réfractaires à l’intérieur de bols ou de placer des éléments plus grands pour empêcher les retombées de cendres.
La cuisson, la disposition des poteries dans le four produisent des effets différents parfois combinables comme le Batomachi et le Sangiri.
Le Yu-Gen : la céramique comme expression de la beauté du monde
La noblesse de ces poteries de Bizen n’est pas seulement dûe à la matière première de grande qualité et à la maîtrise du feu dans le four traditionnel. Ces pièces sont le fruit de la patience et de la sagesse du potier. Elles sont tournées avec l’amour de la terre, de ses mystères et de sa beauté : la céramique comme une ôde à la nature. L’observation du potier manipulant, tournant son bloc de terre évoque un instant méditatif, suspendu, essentiel. La forme sobre, minimaliste et la texture rugueuse révèlent l’harmonie entre la terre, la patience et le savoir-faire : un esthétisme à la japonaise.
Fierté du Japon
En 2015 l’atelier Daikura reçoit le certificat honorifique du Ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie « The Wonder 500 » pour sa carafe Hiiro. Sa beauté fonctionnelle, ses lignes sobres et ses motifs issus d’une cuisson traditionnelle en font un objet emblématique de la création artistique du Japon d’hier et d’aujourd’hui. Le Ministère a créé cette distinction afin de promouvoir la culture et l’industrie créative nippone à l’étranger. On voit ainsi l’émergence d’atelier de création se développer et intégrer de plus en plus souvent des manifestations culturelles pour faire connaître le savoir-faire traditionnel japonais mis au goût du jour.
Présentation faite suite à un événement organisé à la Maison de la Culture du Japon par l’association DENSAN.
Artisanats visible jusqu’au 15/11 à l’ESPACE DENSAN 8 bis rue Villedo 75001 Paris.
Pour découvrir le travail de l’atelier Daikura : http://www.dai-kura.com/en